L'enfant,


....... L'enfant s’accommodait de sa posture. D'une fenêtre, dans le spectacle d'un soir blanc, presque lumineux, il penchait la tête sous l'eau et humait l'atmosphère.
Il parlait au ciel ; C'était toujours ainsi, de long moments où quelques secondes, mais à chaque journée, quand le crépuscule commençait à le rendre un peu nerveux et fiévreux d'inspiration.


.......Enfin, la pluie était venue ! L'enfant l'avait tant souhaitée, et il s'abreuvait, les yeux grands ouverts.
Il atteignit un oiseau, noir, qui se dissimula rapidement dans l'espace obscurci. Mais il n'avait pas envie de voler, et le regard s'affaissa pour attendre la nuit.


.......Quand le froid eut saisi son petit corps et que les lumières de la rue traversèrent ses paupières et le blessèrent, il ferma les volets, puis la fenêtre avec résignation et un peu de lassitude.
Il retrouva la chambre. Là, tout lui était accessible mais étranger. Il préférait le ciel et son impalpable immensité.
Il faisait sienne l'éphémère beauté de l'air pour y jouer avec les créations de ses rêves qu’il laissait aux vents et aux nuages. Il appelait les étoile ses soeurs, et le grand remous universel son frère.


.......L'enfant s'allongea sur son lit. Le plafond devint flou. Alors il ferma les yeux afin de trouver le repos.
Sa chevelure brune laissait dans l’air une trace, comme une blessure encore fraîche. Sa peau, malgré l’obscurité, brillait de cette humidité timide mais violente qui révèle le plus intense des chagrins.


.......L’enfant devint bleu sauvage comme les ténèbres. Une brume un peu moins bleue et très légèrement nacrée l’enveloppa, l’enlumina. Il se mit à briller d’un éclat singulier quand il inspirait, pour s’atténuer quand il expirait. Sa respiration demeurait fluide et plongeait dans la vie pour y puiser ses nourritures.
On pouvait deviner sa poitrine bouger à la lente mélodie qu’évoquait son repos, et qui emplissait discrètement la pièce. L’enfant créait des berceuses avec son souffle à l’approche du sommeil.


.......Ses fantaisies furent écrites avec les battements de son cœur. Ses sonates et fugues furent jouées avec les soubresauts de son pouls et les tressaillements de sa chair.
Il arrivait souvent que son cœur saigna ; Cela éveillait en lui des notes blessées et des soupirs brisés. Alors il devait les disposer sur les portées qui traduisaient ainsi toute sa douleur, jusqu’à ce que le souffle reprenne un rythme un peu plus régulier.

.......Quelques concertos et une messe furent ainsi composés à l’âge délicat, un peu avant l’adolescence,

.............................................................dans le plus grand secret.


Sylvie Schambacher